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Photo du rédacteurAlain THIREL-DAILLY

1-Jour-1-Ancêtre : André Thirel (1911-1994). 30 ans déjà.

De mon père, je conserve l’image d’un homme actif, toujours concerné par la chose publique, dont la discrétion n’avait d’égal que sa disponibilité aux autres. Très jeune, installé à son compte comme ébéniste, il se fait une place dans le métier qui l’amène à exposer de nombreuses années au Salon des Arts Ménagers à Paris. Les aléas de la vie (dont nous parlerons dans un récit de vie plus complet) ont mis un coup d’arrêt à cette réussite et, dès lors, il doit se contenter, jusqu’à plus de 65 ans, d’emplois où son talent ne peut s’exprimer à sa juste valeur.

Dans le même temps, peut-être par compensation, il s’investit dans la vie sociale, en général, et dans le monde sportif en particulier, bien que n’ayant lui-même jamais pratiqué. Il est longtemps dirigeant de l’Espérance Drouaise puis du DAC – Dreux Athlétique Club – sans pour autant chercher la lumière. Photographe depuis son adolescence, il devient pigiste-reporter et photographe sportif à l’Écho Républicain. Pendant une trentaine d’années, jusqu’à presque 80 ans, il arpente stades et salles de sport, Rollei en bandoulière, stylo et carnet en mains. Il accompagnera ainsi de nombreuses générations de sportifs à qui il doit son surnom de « papy ». C’est ainsi qu’ils le considèrent, tant l’homme est chaleureux.

Noces d'Or - Dreux 1985
André et Louise Thirel - 50 ans de mariage 1985

Son énergie, sa prestance et le soin qu’il apporte à sa tenue, sous l’œil vigilant de ma mère, Louise, ont longtemps instillé en moi le mythe d’une certaine immortalité. Après leurs 50 ans de mariage, en 1985, et ses 80 ans, en 1991, nous nous préparons à fêter, en juin 1995, leurs noces de diamant. D’autres anniversaires et fêtes de famille viendront, nous en sommes tous convaincus.

Anniversaire de 80 ans Dreux 1991
André fête, avec Louise, ses 80 ans
Anniversaire de 80 ans - Fête familiale
La famille réunie pour les 80 ans de Papy

Pourtant, paradoxalement, depuis quelque temps, je percois les signes d’une certaine fatigue, consécutifs, certainement, à cette vie bien remplie. André minimise ou, à tout le moins, dissimule les soucis de santé qui l’affectent ; jamais il ne se plaint et il sait donner le change. Ainsi, cela ne l’empêche pas, en ce mois de juillet 1994, de traverser la France en voiture, pour les incontournables vacances d’été. Cette année, ce sont la Dordogne et Sarlat-la-Canéda qui sont au programme.

Un couple de retraités
André et Louise Thirel (année inconnue)

À leur retour, avant la rentrée scolaire de leurs petites-filles, « Papy et Mamie » (comme nous aussi, leurs enfants, les appelons désormais affectueusement) viennent passer quelques jours chez nous au Vaudreuil, dans l’Eure. Nous allons en visite au Centre d’Art et d’Histoire de Vascoeuil. La montée en haut de la tour du château, où a été reconstitué le cabinet de travail de Jules Michelet qu’il tient à voir, est difficile. Il prend son temps, mais ne veut pas renoncer.

Un homme de 83 ans
André Thirel, fin été 1994

Début novembre, alors que ma sœur et ma nièce ainée sont à Dreux, chez mes parents, mon père donne des signes d’un malaise cardiaque imminent ; il en a déjà eu un. L’hospitalisation en urgence pour des contrôles plus approfondis s’impose. Tous, nous espérons que la médecine saura le remettre sur pied pour fêter, comme de coutume, Noël en famille. Il reste hospitalisé, nous prenons des nouvelles et le visitons. Le week-end du 12 novembre, le choc est grand pour moi de le voir ainsi affaibli, sur son lit d’hôpital. L’image de sa mère dans les mêmes lieux vingt ans plus tôt où elle mourut, qui m’avait tant ému, me revient en tête. Je dois m’isoler pour laisser s’exprimer ma douleur. Si je garde encore l’espoir d’un répit, je sais au fond de moi qu’il a fini sa route. Il a de plus en plus de mal à masquer sa grande fatigue. À mi-mots, il nous fait comprendre sa lassitude, que la machine est usée. Pourtant, bien sûr, nous parlons avec lui et son médecin de la perspective d’un transfert dans un hôpital parisien. Nous sommes en week-end, elle pourrait intervenir le lendemain.

Seul un moment avec lui, il tente de me donner le change, s’inquiétant de Marie et de nos petites-filles. Il m’interroge sur le nouvel emploi que je viens de prendre. L’actualité politique, à laquelle il s’est toujours intéressé, vient immanquablement sur le tapis et il me parle de la candidature présidentielle de Jacques Delors qu’il espère. Mais rapidement, il est de nouveau très fatigué et je dois le laisser se reposer.

Le soir, je passe la nuit dans ma chambre de jeunesse, dans la maison de la rue des Granges, et tôt le lendemain matin, je pars rejoindre mon bureau à Paris. L’espoir renait, je veux qu’il s’en sorte et je me réjouis à l’idée de son possible transfert dans un hôpital parisien où il pourra être soigné, opéré peut-être… Je pourrai aller l’y voir et l’accompagner. À peine arrivé rue Mesnil, où je travaille, un coup de fil me rappelle à Dreux. Dans le train du retour, je ne peux retenir et dissimuler mes larmes ; j’ai bien évidemment compris l’issue. C’est mon frère qui, dans la salle des pas-perdus de la gare de Dreux, m’annonce le décès, intervenu ce lundi 14 novembre 1994 à 9 h 15.

Le lendemain 15 novembre (jour de mon anniversaire), les trois titres de la presse quotidienne régionale lui consacrent chacun une rubrique nécrologique. C’est au cimetière de Tréon, où reposent son fils Michel, ses parents Madeleine et Henri, et ses grands-parents Auguste et Séverine, qu’André sera inhumé deux jours plus tard.

Après la mise en bière, aux pompes funèbres de la rue des Caves, nous suivons, avec ma mère, le convoi mortuaire jusqu’à Tréon. Arrivés dans la descente vers le village, au niveau du hameau de Fortille, nous apercevons la longue file de voitures stationnées des deux côtés de la Départementale. Outre la famille et les amis proches, nombre de Drouais anonymes et de personnalités se sont manifestement déplacés pour lui rendre l’hommage qu’il mérite. J’ai quitté Dreux depuis plus de vingt, mais les amis de toujours sont là.

Mon frère a préparé, en accord avec ma mère, ma sœur et moi-même, la cérémonie civile. Les convictions laïques de mon père sont respectées, comme l’avaient été celles de son père, de ses grands-pères, eux aussi inhumés civilement. La famille réunie, notre mère, mon frère, ma sœur, mon épouse, mes belles-sœurs, mon ex-beau-frère, ses huit petits-enfants entourent le cercueil. Après un temps de recueillement en musique, je prononce, assisté d’un de mes neveux de 14 ans, l’hommage écrit par mon frère auquel nous avons tous souscrit.

La famille et les amis se retrouvent dans la maison familiale à Tréon où, parce que la vie continue, nous nous rappelons les bons moments, partageons les souvenirs et les anecdotes autour d’un goûter.


Le texte de l’hommage.

Hommage mortuaire
Texte hommage de ses enfants

L'hommage

Je suis un homme et je ne puis compter sur le jour qui doit suivre. Sophocle.

La vie est donnée à tous en usufruit, elle ressemble à un conte. Ce qui importe, ce n’est pas sa longueur, mais sa valeur.

La valeur qu’elle a représentée pour tous ceux qui t’ont connu, qui t’ont apprécié, qui t’ont aimé, nous voulons ici porter témoignage.

Tout d’abord, cette existence d’époux exemplaire dont tous se réjouissaient de fêter le soixantième anniversaire en juin prochain. Ce bail vingt fois renouvelé ne fut certes pas sans nuage, mais toujours, tu as répondu présent.

Ton rôle de père fut en fait une longue répétition vers cet art dans lequel tu excellas, l’art d’être grand-père. Pour tous, enfants, petits-enfants, tu resteras avant tout Papy. Parfois, camouflant ta tendresse derrière un air bourru, rien ne te faisait plus plaisir que la présence de tes petites filles ou de tes « petits salopards »…

Tu peux aujourd’hui nous faire la confidence que cette tendresse se doublait d'une légitime fierté…

Ta vie professionnelle et associative a toujours été marquée par ce besoin sans cesse entretenu de la qualité, de la droiture, du respect des autres. Tu n’as même jamais su en vouloir à ceux qui ont abusé de ta bonté pour profiter de toi.

Par contre, jusqu’aux derniers instants, tu étais animé de saines colères au regard de cette société sombrant peu à peu vers l’individualisme égoïste, le rejet d’autrui, l’intolérance.

Ne t’inquiète pas, le grain a été semé, il a levé et il lèvera encore.

En un mot, tu as su vivre et pas seulement exister. Tu as laissé des traces chez tous ceux que tu as approchés.

On se réjouissait à ta naissance et tu pleurais ; tu as vécu pour nous réjouir, réjouis-toi de nous voir pleurer.

Louise, Jean, Babeth, Alain, Nicole, Véronique, Marie, Adeline, Sophie, Séverine, Élodie, Sébastien, Erwan, Sarah, Lucille et tous les autres pour qui tu étais aussi Papy.

La vie des morts consiste à survivre dans l’esprit des vivants. Cicéron


Tréon le 16 novembre 1994


Les trois articles nécrologiques.

Nécrologie Dreux 1994 L'Echo Républicain
Nécrologie André Thirel - L'écho Républicain
Nécrologie Dreux 1994 - PQR
Nécrologie André Thirel - L'Action Républicaine et la République du Centre

Arbre Ascendance André Thirel

Arbre généalogique Thirel
Arbre d'ascendance André Thirel et Louise Klein, épouse Thirel à côté de lui.
 
1-Jour-1-Ancêtre

Ce défi entre généalogistes consiste à raconter l'histoire d'un ancêtre à partir d'une date précise. C'est une façon de mettre en lumière les "obscurs", ceux dont on parle peu. Une date, un ancêtre qui a connu un événement ce jour-là et une publication exactement à la date choisie ou presque...


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11 Comments

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Erwan
Nov 21
Rated 5 out of 5 stars.

♥️♥️♥️♥️♥️

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Guest
Nov 15
Rated 5 out of 5 stars.

Ton article est très touchant !!!

Je te souhaite une belle journée d'anniversaire ! 🎂

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Merci, lectrice ou lecteur inconnu(e). Amicalement

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Guest
Nov 14
Rated 5 out of 5 stars.

bel hommage

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Merci à vous !

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Lulu
Nov 14
Rated 5 out of 5 stars.

Notre papy...le meilleur ❤️ 😢

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Oui, vous l'aimiez et il vous le rendait bien ! 😘

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Sarah
Nov 14
Rated 5 out of 5 stars.

Que de souvenirs avec papi et mamie. Je me souviens très bien de notre dernière photo prise avec lui, de la dernière fois que nous l'avons vu dans sa chambre d'hôpital...

De ta venue à la sortie du collège où j'avais compris rien qu'en te voyant ce que tu allais m'annoncer. Et de la main de mamie dans la mienne lorsque j'étais avec toi et mamie assise à l'arrière de la voiture qui nous emmenait au cimetière.


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C'est vrai, Sarah, tu avais déjà 11 ans ; je n'imaginais pas de tels souvenirs aussi précis. 😘

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