Les Martin, Émile et son épouse « Élisa » Fessard, vivent aux Bas-Buissons, hameau de Dreux (Eure-et-Loir). Ils habitent la maison contiguë au café-épicerie tenu par les grands-parents Martin, Pierre et Colombe. Le couple a déjà deux enfants, Léa, 6 ans et Marcel, 4 ans, qui sont maintenant déjà bien débrouillés.
L’été 1879 est « pourri » ! La France est plongée dans des dépressions qui ne s’arrêtent pas et Émile, maçon, a de la peine pour tenir ses chantiers. Le soir, il ne peut travailler dans son jardin qui ne rapportera pas grand-chose cette année. Élisa, elle, bientôt à terme de sa troisième naissance, ne se plaint pas de ne pas être accablée par la chaleur. D’ailleurs, elle peut continuer, chez elle, les travaux de couture qui lui sont commandés.
Le 25 août, le jour de la Saint-Louis, vient au monde la petite Emma, qui hérite comme prénoms supplémentaires de Louise et Émilie. Le père, le jour même, déclare la naissance à la mairie de Dreux. Si l’acte de naissance fait état d’une naissance à Muzy, hameau voisin, c’est bien au Bas-Buissons qu’a eu lieu la naissance au domicile familial.
Le baptême, qui a souvent lieu peu de temps après la naissance, est différé au 21 septembre. Les parents ont en effet souhaité que ce soit l’ami d’Émile, Armand Klein, brocheur à Paris, qui soit le parrain de la nouvelle-née. C’est Léa, du haut de ses 6 ans, qui sera la marraine officielle, mais la « fonction » sera, dans les faits, exercée par Élisa Rigard, l’épouse de Klein.
L’enfance d’Emma se passe sans difficultés, les aînés ont ouvert la voie et l’entraînent dans leurs jeux. Ensemble, ils accueillent, quand Emma a deux ans, le quatrième de la fratrie, Émile, prénommé comme son père. Les quatre grands-parents, les Martin qui vivent dans la maison épicerie café à côté et les Fessard, Jean-François et Prudence, installés pas bien loin, au hameau de Muzy, au lieu-dit Le Verger, s’occupent aussi beaucoup d’Emma. Quand elle n’est pas chez les uns, elle est chez les autres et ses liens resteront forts. Je me souviens qu’elle en parlait encore dans ses vieux jours à tel point qu’il me semble les connaître.
À cette époque, à la campagne, chaque famille cultive son jardin potager, plante quelques fruitiers et élève poules, canards et lapins. Les Martin élèvent même un cochon que se partage l’ensemble de la famille le moment venu. La scène se passe lors de la saignée du cochon, avant que celui-ci ne rejoigne, après salage, les différents pots à lard et autres garde-manger. Les oncles et voisins sont venus prêter main forte et les enfants ne peuvent s’empêcher de venir voir l’événement. Ce qui peut nous sembler « barbare » aujourd’hui, fait partie de la vie normale des familles campagnardes à cette époque.
Emma, vers ses 7 ans, a eu en cadeau un joli canif au manche en nacre avec lequel elle joue à l’écart dans la cour. Un des oncles, qui procède à l’abattage, lui emprunte, sous un quelconque prétexte, son couteau et l’introduit dans le rectum de la bête sous les rires gras de ses comparses ! Emma, me racontera-t-elle moult fois quand j’étais enfant, vocifère et distribue coups de pieds et coups de poings. Si, comme ses frères et sœurs, elle n’est pas de grande taille, elle ne manque pas d’énergie ! Elle récupérera bien sûr son bien et le laissera tremper plusieurs jours dans l’eau, pour le désinfecter, disait-elle. À tel point que celui-ci finira par rouiller. Mais elle le conservera précieusement quand même !
Les Klein, les brocheurs parisiens, viennent de temps en temps rendre visite à leurs amis Martin aux Bas-Buissons et sont attentifs à leur filleule Emma. Celle-ci entretient d’ailleurs une correspondance annuelle avec eux et avec leur fils Louis. Ces « gens de Paris » qui sont restés fidèles en amitié avec son père et sa mère comptent beaucoup pour elle.
Emma se débrouille bien à l’école et son avenir, sans que l’on ait besoin de lui demander son avis, semble naturellement tracé. En effet, au village voisin du Mesnil-sur-l’Estrée, sont implantées les imprimeries Firmin Didot et il est normal, dès lors que l’on a un peu d’instruction scolaire, d’espérer pouvoir s’y faire embaucher. Quand Emma atteint ses treize ans, ses deux grands-parents Fessard et son grand-père Martin sont décédés. Elle développe un lien fort avec l’aïeule restante, Colombe Ducretot, qui fut la première de la famille à rentrer dans la corporation du livre comme compositrice. La tante Armance est elle-même typographe, quand les tantes Hortense et Caroline sont ouvrières-papetières dans la même société.
Si sa sœur ainée est partie s’installer au Mesnil avec son époux comme agricultrice, Emma, qui a le niveau suffisant au plan scolaire, peut espérer devenir directement typographe. Elle sera formée au métier par l’entreprise, comme sa grand-mère l’a été avant elle. Voir, à ce propos, l’article sur Colombe Ducretot. Dans sa quatorzième année, Emma débute dans le métier.
Quand elle a dix-sept ans, en 1896, elle réside encore chez ses parents et exerce comme typographe. Voilà maintenant trois ans qu’elle a appris le métier et le maîtrise. Le développement de Firmin Didot est bénéfique pour la région drouaise, les imprimeries locales bénéficient d’un vivier d’ouvrières et d’ouvriers qualifiés qu’elles peuvent ainsi débaucher.
Emma est certainement attirée par la ville, plus attrayante pour la jeunesse. On dit même qu’elle aurait rencontré un jeune ouvrier charpentier de Vernouillet, à côté de Dreux.
Le Récit-de-vie
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