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Récit de vie : Colombe Ducretot, typographe.

En ce 7 mai 1823 nait Colombe Hortense Caroline DUCRETOT (1823-1900) à Vert en Drouais en Eure-et-Loir, à la frontière de l'Eure. Les parents de l’enfant, François Honoré Ducretot et Marie Anne Angélique Hébert sont d’ailleurs originaire des deux côtés de l’Avre, le père de la Saussaye (Eure) et la mère de Vert-en-Drouais.

C’est le père qui déclare à l’officier d’état-civil de la commune la naissance, en présence de Jacques Denis Boullay. Nous n’avons pas recherché si l’enfant avait été baptisée religieusement mais un détail a retenu notre attention à la fin de l’acte. Il y est en effet mentionné « Le parrain a été Jacques Denis Boullay demeurant au Mesnil-sur-l’Estrée,  la marraine Marie Marguerite Decoeur demeurant au Boullay-les-Deux Églises ».

Un acte d’état civil de naissance avec mention d’un parrain et d’une marraine.
Acte de naissance 1823 - Vert-en-Drouais
Acte de naissance Colombe Hortense Caroline Ducretot

L’une des premières préoccupations de la République, en 1792, a été de laïciser l’état-civil mais dans le même temps a souhaité créer de nouveaux rites et symboles pour remplacer ceux de l’Ancien régime. C’est ainsi que le baptême civil ou républicain a été institué par la loi du 20 prairial an II (8 juin 1794). Peut-on pour autant en conclure que nous sommes en présence d’un baptême républicain, nous ne saurions l’affirmer.

Chez les Ducretot, d’origine modeste, on ne sait ni lire ni écrire et, malheureusement, il y a peu de chances que leur fille échappe à la condition parentale. En effet l’instruction est encore sous le contrôle jaloux du clergé et l’on est loin de l’instruction gratuite et obligatoire pour tous. Sur les bords de l’Avre et de l’Eure, depuis 1820, l’industrie papetière se développe et rapidement on compte six ou sept papeteries. Peut-être Colombe pourra s’y faire embaucher comme les femmes du village qui décousent les boutons, défont les ourlets, déchirent les chiffons utilisés pour la fabrication de la pâte à papier.

C’est à cette époque que Firmin Didot, célèbre éditeur parisien, imprimeur du roi et de l’Institut de France, graveur et fondeur de caractères, inventeur de la stéréotypie, achète la papeterie du Mesnil-sur-l’Estrée, dans la commune voisine. La fabrication du papier se mécanise et c’est dans ce contexte qu’il décide, idée saugrenue pour l’époque, de créer un atelier typographique féminin.   La profession est en effet à cette époque exclusivement masculine, réservée à une certaine élite et le « vivier » de femmes maitrisant la lecture et l’écriture bien réduit.

Le pari de la formation des femmes.

Firmin Didot, en bon industriel en recherche de rentabilité, ne s’engage pas dans cette voie à la légère. La corporation parisienne des typographes est puissante et fait front face aux exigences des patrons imprimeurs. En employant une main d’oeuvre locale, éloignée de Paris et des courants revendicateurs, il espère s’assurer la fidélité d’une main d’oeuvre locale plus docile. Encore faut-il amener celle-ci au niveau de compétence voulu et le pas à franchir est immense.

Imprimerie Firmin Didot - Le Mesnil-sur-l'Estrée
Imprimerie Firmin Didot - Le Mesnil-sur-l'Estrée

Firmin Didot, pour relever le pari, fait appel à Théotiste Lefèvre qui a déjà tenté cette expérience et se mue en « maître d’école » pour les femmes employées jusqu’ici aux tâches subalternes dans l’industrie du papier. Avant la révolution les jeunes étaient pris en charge par les corporations pour apprendre un métier. La loi Le Chapelier, en 1791, a mis un terme à cette « relation entreprise / formation » et rien n’a été mis en place pour la remplacer.

Alors que tout a été mis en oeuvre pour couper l’enseignement technique de la production, l’Imprimeur relance, avec succès, cette mode d’instruction professionnelle. L’avantage est que si cette initiative sert bien sûr les intérêts de l’entreprise, elle ne se contente pas de « formater » les ouvrières puisque, dans le même temps, elle les amène à la maîtrise de la langue, de l’écriture et, ainsi, les ouvre à la culture.

Avec Colombe Ducretot débute l’histoire d’une lignée de typographes.

Toujours est-il que l’expérience réussit pour de nombreuses femmes du cru. Colombe, à son mariage en 1843 avec Pierre Antoine MARTIN (1812-1883), est en effet devenue compositrice aux Imprimeries Firmin Didot du Mesnil-sur-l’Estrée. Elle a relevé le défi de l’apprentissage et de la maîtrise de la lecture et de l’écriture !


Compositeur en typographie
Compositeur en typographie, faute d'avoir trouvé une image d'époque de compositrice...

Colombe, par sept fois, sera mère de quatre garçons et trois filles. Si ses fils, bien que tous lettrés, n’embrasseront pas la profession de leur mère, les trois filles, Armance, Hortense et Caroline la rejoindront dans l’entreprise du Mesnil.

Le métier est maintenant entré dans la famille. Je me souviens de ma grand-mère maternelle, Emma MARTIN, me parlant de sa grand-mère Colombe qui, à n’en pas douter, a joué un rôlé dans son choix professionnel. Mon aïeule deviendra en effet, comme ma mère Louise KLEIN à son tour, typographe puis correctrice.

Nous ne savons pas jusqu’à quel âge Colombe a exercé son métier, ayant par ailleurs eu à élever ses sept enfants. Au décès de son époux, Pierre Antoine Martin, elle se remarie avec Pierre Isidore Guille et vivra jusqu’en 1900 voyant ainsi sa petite-fille prendre de flambeau.



 
Le Récit-de-vie

Il s'agit, dans un article unique, ou bien dans une suite d'articles, de raconter en la contextualisant, la vie d'un ancêtre, d'un collatéral, d'une famille, voire même d'un village ou d'une paroisse.


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