1-Jour-1-Ancêtre : Louis François Boyer aux assises de Montpellier.
- Alain THIREL-DAILLY
- 26 août
- 5 min de lecture
Nous avons fait le choix, pour rester au plus près des faits, de reprendre in extenso, d’une part l’acte d’accusation de Louis François BOYER et sa défense et, d’autre part, le verdict rendu par les jurés de ladite cour d’assises. Montpellier le 16 novembre 1866.
Acte d’accusation de Louis François Boyer :
Le sieur Mathieu Falandry habitait avec sa femme et sa belle-sœur dans la rue des Balances numéro 12 à Béziers. L'accusé Louis Boyer et sa fille demeuraient dans une maison contiguë.
Dans le courant du mois de septembre dernier, la femme Falandry jetait de l'eau ménagère dans la rue et Louis Boyer, qui se trouvait sur le seuil de sa porte, la priait de ne pas jeter de l'eau devant sa maison. Matthieu Falandry intervint dans cette altercation et dit à l'accusé de s'adresser à lui s'il avait quelques réclamations à faire ; l’accusé, prenant alors le temps de la menace, répondit : « Toi, je saurai te retrouver. »
Les choses en étaient restées là ; mais huit jours après cet incident, le 30 septembre vers huit heures du soir, la femme Falandry ayant encore jeté de l'eau dans la rue, la fille Boyer prétendit avoir été atteinte par des éclaboussures. À ce propos, les deux femmes s'adressèrent de mutuelles remontrances et la fille Boyer alla jusqu'à qualifier de p… la femme de Falandry et sa sœur.
Pendant cette querelle, les voisins et les personnes qui passaient en ce moment dans la rue des Balances purent apercevoir Boyer debout et immobile à quelques pas de sa demeure, dans l'attitude d'un homme qui attend quelqu'un. Il portait sur son bras gauche un manteau, dit limousine, et sa main droite était cachée dans ce vêtement.
Falandry, en entendant les grossières injures adressées à sa femme et à sa belle-sœur, avait paru sur le seuil de sa porte ; son attitude n'était pas provocante. Il était complètement désarmé, il n’avait dans ses mains ni couteau, ni bâton. « Vous feriez mieux de passer votre chemin, dit-il en apercevant Boyer, que d'insulter ainsi d’honnêtes gens. » Au même instant les témoins de cette scène virent briller une arme entre les mains de l'accusé et Falandry se sentit frappé d'un coup de couteau dans le ventre. Il s’affaissa sur lui-même en retenant avec ses mains les intestins qui sortaient par la blessure qu'il venait de recevoir.
Les médecins ont constaté que cette blessure, d'une largeur de huit à neuf centimètres, avait été produite par un instrument piquant et tranchant ; c'est elle qui, suivant le rapport, a occasionné la mort du sieur Falandry survenue le 5 octobre suivant.
Boyer, après son crime, avait de nouveau caché son arme dans sa limousine, qui paraît porter encore les traces du sang, et s'était éloigné.
Mais l'information a révélé que l'accusé, en frappant mortellement Falandry, obéissait à une pensée de meurtre préméditée déjà depuis plusieurs jours. En effet, sans remonter à la menace qu'il adressait à sa victime huit jours avant l'attentat, il disait le 29 septembre à Pierre Terisse : « J'ai quelque chose dans la tête. Quand je l'aurai mis à exécution, je serai obligé de quitter Béziers », et il lui proposait en même temps de le remplacer comme ouvrier chez le sieur Philippe, asphalteur, où il gagnait jusqu'à cinq francs par jour. Le même jour, il détachait d'une charrette un gros pieu en bois, dit tavelle, et disait d’un ton menaçant : « Voilà pour donner un bon coup à quelqu’un. » Dans la journée du 30 septembre, il disait en présence du sieur Augustin Labanière : « Il faut que je me venge de quelqu'un ; je n'aurai pas de repos avant que je n'aie satisfait ma vengeance. »
Boyer s'est d'ailleurs acquis à Béziers une très mauvaise réputation ; dans tous les quartiers qu'il a habités, il passe pour un homme méchant, dangereux et querelleur. Sa maison était le rendez-vous des gens de mauvaise vie ; et s'il faut en croire la rumeur publique, non seulement il livrait sa fille à la prostitution, mais il entretenait avec elle un commerce incestueux. Il a déjà subi de nombreuses condamnations correctionnelles pour vol, coup et outrage.
Dans son système de défense, Boyer a nié jusqu'ici avoir porté un coup de couteau à Falandry. Il a prétendu que Falandry tenait un couteau à la main, et qu’il s'était fait lui-même cette blessure, son bras ayant été poussé par un coup de pied qu'il avoue avoir porté. Cette explication, outre qu'elle a paru matériellement impossible aux hommes de l’art, à raison de la gravité de la blessure, est formellement démentie par plusieurs témoins qui ont vu Falandry sortir de sa maison complètement désarmé. De plus, l'examen attentif du corps de la victime n'a pu amener la découverte de traces de ce prétendu coup de pied.
En conséquence, le susnommé est accusé :
D’avoir, le 30 septembre 1866 à Béziers, volontairement commis un homicide sur la personne de Mathieu Falandry et d'avoir commis ledit homicide avec préméditation.
Fait qualifié crime, prévu et puni par les articles 295, 296, 297 et 302 du Code pénal.
Fait à Montpellier, au parquet de la cour impériale le 26 octobre 1866.
Pour le procureur général impérial,
Le 1ᵉʳ avocat général.
Défense de l’accusé
La défense de l’accusé a été assurée par Me Loubert, et l’accusé, quant à lui, a maintenu les termes de sa première déclaration au juge d’instruction :
« Je suis innocent de ce crime. Entre 8 et 9 h, la femme du sieur Falandry jeta dans la rue un vase plein d'eau, dont les éclaboussures atteignirent ma fille. Quelques paroles assez vives furent échangées entre cette dernière et la dame Falandry. Je reprochai à la dame Falandry d'insulter ma fille. Son mari, intervenant alors dans une discussion où il n'avait que faire, me provoqua à me battre. Je me présentai alors sur le seuil de la porte et je lui dis que j'acceptais son défi. Il se précipita sur moi, mais avant qu'il ait pu me saisir, je lui portai un coup de pied qui l’atteignit au bras et aussitôt il se mit à crier qu'il était mort et que je venais de le tuer. Je me hâtai de prendre la fuite et je me rendis au café François. Je rentrais chez moi à 9 h 15 et c'est à ce moment-là que je fus mise en état d’arrestation. »
La ligne de conduite de l’accusé au procès restera constante : « Je persiste dans mes déclarations, les témoins mentent, je n’ai pas frappé Falandry avec un couteau, je suis innocent de ce crime. »
Délibération du jury
1ʳᵉ question : BOYER, Louis François, accusé présent, est-il coupable d’avoir, le 30 septembre 1866, à Béziers, commis volontairement un homicide sur la personne du sieur Mathieu Valendry :
Oui, à la majorité.
2ᵉ question : Cet homicide volontaire a-t-il été commis avec préméditation :
Oui à la majorité.
Oui à la majorité, il y a des circonstances atténuantes en faveur de l’accusé.

Prononcé de la peine.
La Cour, après en avoir délibéré, M Le président a prononcé à haute voix, en présence du public et de l’accusé, l’arrêt de la cour qui condamne Boyer à la peine des travaux forcés à perpétuité.
Avant de prononcer l’arrêt, M. le Président a lu le texte de la loi sur laquelle il est fondé.
Après avoir prononcé l’arrêt, M. le Président a dit au condamné : « Vous avez trois jours francs pour vous pourvoir en cassation.»
Et a été le présent procès-verbal signé par M. le Président et le greffier.
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Je suppose qu'il n'est pas rentré du bagne...